Principales nouveautés de la Loi travail n°2016-1088 du 8 août 2016

1. Négociation collective

La validité d’un accord collectif d’entreprise est conditionnée à sa conclusion avec une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés. A défaut, possibilité de référendum à l’initiative d’une Organisation Syndicale ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés.

Sauf disposition contraire, les accords collectifs ont une durée déterminée fixée à 5 ans.

La loi assouplit les possibilités de négocier dans les entreprises dépourvues de Délégué Syndical. Tout salarié, élu ou non, mandaté par une Organisation Syndicale peut négocier sans limitation de Thèmes.

Les salariés élus titulaires représentant la majorité des suffrages exprimés peuvent négocier des accords exclusivement sur les mesures nécessitant un accord. La condition de l’approbation par une Commission Paritaire de Branche est remplacée par une simple information.

Entreprises de moins de 50 salariés : possibilité d’adopter des accords-types négociés au niveau de la branche professionnelle.

Aménagement des possibilités de réviser des accords d’entreprise ou d’établissement

 

Entreprise pourvue de Délégué Syndical

Jusqu’à la fin du cycle électoral au cours duquel l’accord a été conclu : révision par les Organisations Syndicales Représentatives, dans le champ d’application de l’accord, signataires ou adhérentes.

A l’issue du cycle électoral : révision ouverte à toutes les Organisations Syndicales Représentatives, dans le champ d’application de l’accord, même celles non signataires de l’accord.

 

Entreprise sans Délégué Syndical

Révision possible avec des élus mandatés, des élus non mandatés ou, si aucun élu n’a manifesté son souhait, par un ou plusieurs salariés, non élus, mandatés.

En cas de dénonciation d’un accord, la négociation d’un nouvel accord peut être anticipée dès le début du préavis de dénonciation.

En cas de modification juridique de l’employeur (transfert d’entreprise, fusion, cession…) : 2 possibilités pour l’harmonisation du statut collectif ultérieur :

  • Possibilité de conclure un accord de transition d’une durée maximale de 3 ans exclusivement pour les salariés transférés.
  • Possibilité de conclure un accord d’adaptation couvrant l’ensemble des salariés et révisant ou se substituant aux dispositions des accords applicables dans l’entreprise d’accueil.

A défaut d’accord conclu dans le délai de 12 mois + préavis, seuls les avantages liés à la rémunération demeurent (fin des avantages individuels acquis).

Un accord d’entreprise peut déroger à l’accord de branche sauf dans les domaines suivants :

  • Salaires minima,
  • classifications,
  • garanties collectives complémentaires,
  • prévention de la pénibilité,
  • égalité professionnelle entre les femmes et les hommes,
  • mutualisation des fonds de la formation professionnelle;

L’accord d’entreprise en matière de droit du travail devient le niveau de droit commun et prime sur l’accord de branche.

Obligation d’aborder le droit à la déconnexion dans le cadre des Négociations Annuelles Obligatoires auprès des Délégués Syndicaux. A défaut d’accord ou en l’absence de Délégués Syndicaux, l’employeur est tenu d’élaborer une charte sur le droit à la déconnexion.

 

2. Représentants du Personnel – Crédits d’heures

Délégués Syndicaux :

  • 12 heures par mois (au lieu de 10) dans les entreprises ou établissements de 50 à 150 salariés,
  • 18 heures par mois (au lieu de 15) dans les entreprises ou établissements de 151 à 499 salariés,
  • 24 heures par mois (au lieu de 20) dans les entreprises ou établissements de 500 salariés et plus.

Délégué Syndical Central :

  • 24 heures (au lieu de 20 heures).

Section Syndicale :

Chaque Section Syndicale dispose, au profit de son ou de ses Délégués Syndicaux et des salariés de l’entreprise appelés à négocier la Convention ou l’Accord d’entreprise, en vue de la préparation de cette négociation, d’un crédit global supplémentaire (Article L. 2143-16 du Code du travail) :

  • 12 heures (au lieu de 10 par an) dans les entreprises d’au moins 500 salariés ;
  • 18 heures (au lieu de 15) par an dans les entreprises d’au moins 1000 salariés.

Le décompte des heures de délégation est adapté pour les représentants du personnel au forfait jour : une demi-journée = 4 heures.

 

3. Forfaits jours

La loi fixe de nouvelles clauses obligatoires à intégrer dans les accords collectifs prévoyant un forfait annuel en jours. Plus de reconduction tacite de l’avenant portant renonciation à des jours de repos. La durée de ces avenants est limitée à un an.

Même si l’accord collectif, actuellement en vigueur dans l’entreprise, n’a pas de disposition relative au suivi des salariés et de leur charge de travail, l’employeur peut conclure une convention de forfait jours sous réserve d’établir un document de contrôle, de s’assurer du respect des temps de repos hebdomadaires et quotidiens, d’organiser un entretien annuel sur la charge de travail.

 

4. Astreinte

Nouvelle définition : le salarié n’a plus à demeurer à son domicile ou à proximité mais doit seulement ne pas se trouver sur son lieu de travail.

 

5. Régime d’équivalence

La loi instaure une définition dans le Code du travail : Il s’agit d’un mode spécifique de détermination du temps de travail effectif et de sa rémunération pour des professions et des emplois déterminés comportant des périodes d’inaction.

Mise en place :

  • Soit par Accord Collectif de branche,
  • Soit par Décret.

 

6. Aménagement de la durée du travail

Même en l’absence d’Accord Collectif, l’employeur peut, sous réserve de respecter les conditions prévues par Décret, aménager le temps de travail sur une période supérieure à la semaine :

  • Sur 9 semaines maximum, pour les entreprises de moins de 50 salariés,
  • Sur 4 semaines maximum, pour les entreprises de 50 salariés et plus.

Par Accord Collectif d’entreprise ou d’établissement, la période de référence d’aménagement du temps de travail est d’un an mais peut aller jusqu’à trois ans si un accord de branche le prévoit.

 

7. Congés payés

Les congés payés peuvent être pris dès l’embauche et non plus dès l’ouverture des droits (Article L. 3141-12 modifié).

Ouverture des congés supplémentaires « mères de famille » aux pères : 2 jours par enfant à charge, sous réserve notamment de conditions d’âge.

Fermeture de l’entreprise avec fractionnement :

  • L’avis conforme des Délégués du Personnel n’est plus nécessaire.
  • L’accord du salarié n’est pas non plus nécessaire lorsque le congé fractionné a lieu pendant la fermeture de l’établissement.

La loi prévoit également la possibilité de modifier certaines règles du fractionnement des congés payés, par Accord d’entreprise ou d’établissement, et notamment de fixer une période de prise des congés différente de la période légale du 1er mai au 31 octobre.

 

8. Licenciement pour motif économique

Intégration dans le Code du travail du motif économique de Réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité et de Cessation d’activité (transposition de la jurisprudence en vigueur).

Précisions de critères indicatifs relatifs au motif économique :

  • Baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires (comparée avec la même période de l’année précédente sur 1 trimestre pour une entreprise de moins de moins de 11 salariés ; 2 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 ; 3 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300; 4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus),
  • Pertes d’exploitation,
  • Dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation,
  • Tout autre élément susceptible de justifier de ces difficultés.

Dans l’attente des jurisprudences à venir, ces nouveaux critères, qui n’excluent pas ceux de la jurisprudence actuellement en vigueur, doivent être utilisés avec une extrême précaution.

Dans les entreprises d’au moins 1000 salariés ou appartenant à un groupe d’au moins 1000 salariés ou dans les entreprises ou groupes de dimension communautaire : levée (sous réserve de respecter certaines conditions) de l’interdiction de licenciement pour motif économique avant le transfert d’un établissement (en cas notamment d’opérations de cession, location gérance ou autres…).

La loi procède à deux ajustements concernant l’obligation de revitalisation du bassin d’emploi :

  • Seront prises en compte les actions en faveur de l’emploi prévues dans le cadre d’une démarche volontaire de l’entreprise faisant l’objet d’un document cadre conclu avec l’Etat,
  • Lorsque les suppressions d’emplois concernent au moins trois départements, une Convention-Cadre nationale de revitalisation est conclue entre le ministre chargé de l’emploi et l’entreprise.

 

9. Inaptitude

Intégration d’une définition de l’inaptitude physique dans le Code du travail : Un salarié est déclaré physiquement inapte par le Médecin du Travail lorsque celui-ci constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé de l’intéressé justifie un changement de poste.

La procédure de constat d’inaptitude par le Médecin du Travail est remaniée : A compter du 1er janvier 2017, la décision d’inaptitude doit être postérieure notamment à une étude de poste, un échange entre Médecin du Travail, salarié et employeur. Une fois la décision prise, le Médecin du Travail doit recevoir le salarié en rendez-vous pour échanger avec lui sur cette décision et les indications ou propositions qu’il compte adresser à l’employeur. Dispense possible par le Médecin du travail de l’obligation de recherches de reclassement.

Attention : à compter du 1er janvier 2017, que la décision d’inaptitude soit professionnelle ou non, l’employeur doit informer et consulter les Délégués du Personnel sur les recherches de reclassement et doit, le cas échéant, indiquer par écrit au salarié, les raisons qui s’opposent à son reclassement.

 

10. Surveillance médicale

La visite médicale d’embauche est remplacée (sauf pour les postes à risques) par une visite d’information et de prévention réalisée par le Médecin du Travail ou par un collaborateur médecin, un interne de médecine ou un infirmier. Elle doit être effectuée dans un délai de 3 mois à compter de la prise effective du poste.

Il revient au médecin de fixer ensuite la fréquence des visites périodiques, laquelle ne peut excéder 5 ans.

Attention : un suivi médical adapté doit être assuré pour tous les travailleurs de nuit, les CDD, les CTT et les salariés handicapés ou titulaires d’une pension d’invalidité.

 

11. Paternité, Maternité

La salariée est désormais protégée, contre la rupture de son contrat de travail, pendant les 10 semaines qui suivent sa réintégration effective dans l’entreprise après le congé maternité.

La même protection est accordée au père après la naissance de l’enfant.

 

12. Mesures diverses

Le principe de neutralité peut être inscrit dans le Règlement Intérieur de l’entreprise.

L’épargne constituée par l’entreprise en vue d’un contentieux prud’homal peut être fiscalement déductible.

La loi prévoit plusieurs dispositifs en faveur des travailleurs handicapés : emploi accompagné, contrepartie aux temps de trajet, télétravail, compte personnel de formation, etc… Les travailleurs handicapés peuvent également bénéficier d’une majoration conventionnelle de leurs congés payés et conclure à titre expérimental un contrat de professionnalisation.

 

Jurisprudences 2016 à retenir

L’employeur ne peut s’exonérer de sa responsabilité en matière de harcèlement moral que s’il est établi qu’il a pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail et, notamment, qu’il a mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral (Cass. Soc. 1er juin 2016 n°14-19.702 et 5 octobre 2016 n°15-20.140).

L’employeur manque à son obligation de reclassement à l’égard d’un salarié déclaré inapte par le Médecin du travail dès lors qu’il n’a pas proposé un poste de type administratif, sans démontrer en quoi ses compétences étaient trop éloignées de celles mises en œuvre dans ce type d’emploi et sans justifier que l’intéressé, titulaire d’un BTS, aurait été susceptible d’acquérir une compétence lui permettant d’occuper tout poste administratif au sein d’une entreprise du groupe (Cass. Soc. 5 octobre 2016 n°15-13.594).

L’employeur manque à son obligation d’adaptation résultant des dispositions de l’article L.6321-1 du Code du travail dès lors qu’il n’a pas proposé au salarié, au cours de ses huit années de présence dans l’entreprise, que deux formations alors que, titulaire d’un BTS, l’intéressé aurait dû bénéficier, durant une période aussi longue, d’autres formations. La Cour de cassation considère que ce manquement de l’employeur a eu pour effet de limiter sa recherche d’emploi de reclassement à des postes ne nécessitant pas de formation particulière et de compromettre son évolution professionnelle (Cass. Soc. 5 octobre 2016 n°15-13.594).

Revenant sur sa jurisprudence admettant que certains manquements de l’employeur causent nécessairement un préjudice au salarié, la chambre sociale de la Cour de cassation décide que les juges du fond, saisis d’une demande de réparation, doivent toujours établir la réalité du préjudice subi par la victime et l’évaluer. L’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond qui peuvent écarter la demande en condamnation de l’employeur pour remise tardive de divers documents de fin de contrat, dès lors que le salarié n’apporte aucun élément pour justifier le préjudice allégué (Cass. Soc. 13 avril 2016 n°14-28.293).

Le salarié qui ne démontre aucun préjudice résultant de l’illicéité de la clause de non concurrence n’a pas droit à réparation (Cass. Soc. 25 mai 2016 n° 14-20.578).

Le salarié qui ne subit aucun préjudice résultant du non-respect de la procédure de licenciement n’a pas droit à réparation (Cass. Soc. 30 juin 2016 n° 15-16.066).

 

Autre réglementation à retenir

Arrêté du 15 décembre 2016 : pour toute infraction au Code de la route à l’origine du salarié de l’entreprise auquel il est mis à disposition un véhicule, la Société est maintenant tenue d’adresser à l’autorité mentionnée sur l’avis relatif à l’infraction, dans un délai de 45 jours :

  • soit l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule ;
  • soit les éléments permettant d’établir l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de force majeure.
Toute l’équipe du cabinet EPSILON est à votre disposition si vous avez des questions complémentaires sur ce sujet ou tout autre sujet relatif au droit du travail.

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