Pour un chef d’entreprise, l’idée d’envisager sa succession à la tête de l’entreprise est un sujet qui peut sembler lointain. Pour autant, lorsqu’est venu le moment de passer le témoin, notamment à sa descendance alors prête à assumer les responsabilités d’une entreprise, la question du modus operandi est alors posée : cession d’entreprise, transmission à titre gratuit, LBO familial ? Dans tous les cas, le chef d’entreprise doit anticiper ces problématiques et penser « Dutreil » dans les cas d’une transmission à titre gratuit, pour ainsi bénéficier d’un dispositif favorisant la transmission de son bien par le biais d’une exonération partielle de droits de mutation.
Le Pacte Dutreil, quelle utilité ?
Le « Pacte Dutreil transmission », qui trouve son origine dans la loi du même nom, en date du 1er août 2003 pour l’initiative économique, a pour objectif de répondre à une volonté de favoriser la transmission d’entreprise par voie de libéralité ou succession, mais aussi de favoriser l’actionnariat des sociétés à long terme, au moyen de mesures incitatives d’ordre fiscal. Cette volonté est toujours présente chez le Législateur, qui, par l’article 40 de la LOI n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, a récemment modifié l’article 787 B du Code Général des Impôts, où sont codifiées les modalités d’application du dispositif « Dutreil transmission », pour en assouplir et en simplifier les conditions d’application.
Le Pacte Dutreil est un mécanisme prévoyant une exonération partielle des droits de mutation générés par la transmission à titre gratuit de parts ou actions, d’une société ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, cette exonération partielle représentant un abattement de 75 % sur la valeur des parts ou actions transmises.
La mise en place du dispositif Dutreil doit, pour s’assurer de son efficacité, être anticipée ; c’est pourquoi, lorsque l’idée de transmettre son entreprise germe dans l’esprit du chef d’entreprise, celle-ci doit être immédiatement associée au Pacte Dutreil afin de s’assurer d’une transmission en toute efficacité et à coûts réduits. Cette notion d’anticipation est rendue obligatoire par le calendrier et les délais imposés par le dispositif, afin d’obtenir définitivement l’exonération partielle des droits de mutation.
Le Pacte Dutreil, comment l’utiliser ?
L’engagement de conservation des titres
Il sera tout d’abord question pour celui qui souhaite transmettre, de prendre un engagement de conservation des titres qui seront transmis dans le futur ; on s’engage à conserver pour mieux transmettre. Initialement conclu entre l’auteur de la transmission et un associé au moins de la société dont les titres seront transmis, il est aujourd’hui possible, grâce à la Loi de Finances 2019, pour un associé de prendre seul cet engagement. Il s’agit la d’une des premières mesures de simplification du dispositif Dutreil, qui permet ainsi de s’adapter aux structures à forme unipersonnelle de plus en plus présentes dans le tissu économique, pour lesquelles le bénéfice de l’exonération partielle n’était offert jusqu’à lors. Cet engagement sera pris pour une durée minimale de deux ans, et devra être en cours au moment de la transmission, que celle-ci se fasse par donation ou par voie de succession suite au décès.
Puis, à compter de la réalisation de la transmission des titres objet de l’engagement, c’est au tour du bénéficiaire de la transmission, de prendre un engagement individuel de conservation des titres, dont le point de départ ne sera pas nécessairement au jour de la transmission, mais dont la durée de conservation sera de quatre années. Là encore, le calendrier dicté par le dispositif préconise, de façon implicite, d’anticiper et d’organiser la transmission de son entreprise.
De plus, les engagements de conservation du donateur et du bénéficiaire de la transmission doivent porter sur un quota de titres ou de droits de vote de la société, qui s’élève, pour une société dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé, à 10 % des droits financiers ou 20 % des droits vote, et pour les autres sociétés, à 17 % des droits financiers ou 34 % des droits de vote. Ici encore, par le biais de la Loi de Finances pour 2019, le Législateur est venu abaisser les seuils minimaux de titres à soumettre aux engagements de conservation, ce qui ouvre la perspective du bénéfice de l’exonération partielle à des associés qui ne répondaient pas aux conditions plus restrictives et anciennement fixées pour l’application du dispositif.
La transmission des titres à une société holding via les bénéficiaires
Enfin, la Loi de Finances pour 2019 est venue apporter un assouplissement qui n’est pas des moindres, sur la question des apports des titres transmis à une société holding par les bénéficiaires. Là où l’ancienne législation venait subordonner le maintien de l’exonération partielle à l’apport réalisé à une société holding détenue et dirigée par les bénéficiaires, dont l’objet est exclusivement la gestion de participations de sociétés du même groupe que la société dont les titres ont été transmis et ayant une activité similaire, connexe ou complémentaire, la Loi de Finances pour 2019 est venue une fois encore simplifier ce dispositif. Dès lors, à compter du 1er janvier 2019, la société bénéficiaire de l’apport pourra être détenue à la fois par les bénéficiaires de la transmission et par les signataires de l’engagement collectif, le seuil de détention par ces derniers étant ramené à 75 % du capital et des droits de vote. La condition de direction initialement exigée est désormais étendue aux signataires de l’engagement collectif et la condition relative à l’objet de la société holding est abandonnée ; désormais, l’actif brut de la société bénéficiaire de l’apport devra être constitué à plus de 50 % par les participations dans la société d’exploitation.
On comprend la encore que, la volonté est de favoriser la transmission de l’entreprise, en tout ou partie par une transmission à titre gratuit. Bien que les situations familiales et professionnelles soient des plus hétéroclites, grâce à cet aménagement de la question des apports post-transmission, il serait désormais possible pour un chef d’entreprise, d’envisager la donation d’une partie des titres de sa société, de se constituer un capital retraite en cédant le solde à une société holding qui aurait bénéficié d’un apport des titres reçus par le bénéficiaire de la libéralité, mais également d’en assurer la direction afin d’accompagner au mieux la jeune génération, le tout en optimisant les coûts de transmission.
En présence d’un groupe de sociétés, il conviendra toutefois d’être particulièrement vigilant aux conditions d’application et de mise en œuvre du Pacte Dutreil et de prendre un conseil avisé à ce titre.
Une transmission qui n’a pu être anticipée, que faire ?
La pluralité de situations existant au sein des familles et des entreprises fait que, parfois, il n’est pas possible d’anticiper la transmission de son entreprise pour le chef d’entreprise, et notamment à cause d’un accident de la vie, d’un divorce ou parfois d’un décès.
Toutefois, pour les cas où les évènements de la vie ne permettent pas au chef d’entreprise d’anticiper la transmission de son entreprise, le Législateur a laissé ouverte la possibilité de bénéficier du dispositif Dutreil lorsque l’engagement collectif de conservation de titres est considéré comme réputé acquis à la date de transmission ; dans ces conditions, il sera possible de bénéficier d’une exonération partielle à l’occasion d’une transmission alors même que matériellement, l’engagement initial de conservation des titres n’aura pas été conclu. Enfin, en cas de décès d’un associé ou du chef d’entreprise, la possibilité pour les héritiers de conclure l’engagement collectif dans les six mois du décès laisse ouverte, sous la réserve de respecter les autres conditions de droit commun, la possibilité de faire s’appliquer l’exonération partielle des droits de mutation lors d’une transmission de titres d’une société d’exploitation par voie de succession.
En somme, avec le cadre législatif favorable du dispositif Dutreil, le chef d’entreprise d’aujourd’hui a toutes les clés en main pour effectuer une transmission à titre gratuit de son outil de travail à des coûts réduits, en se laissant la possibilité d’en assurer sa pérennité par un accompagnement de ses successeurs dans la conduite des affaires de la société jusqu’à son complet retrait des affaires.
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